Stampa Articolo

Tunis rend hommage à la Notre-Dame de Trapani, Madone de la Goulette!

Tunisi, 15 agosto 2023 (ph. Bouriel)

Tunisi, La Goulette, 15 agosto 2023 (ph. Hatem Bourial)

di Hatem Bourial [*] 

L’église Saint-Augustin et Saint-Fidèle est l’une des paroisses les plus anciennes de Tunis. Elle vient d’accueillir le 15 août, la célébration de la fête de l’Assomption, en présence de l’évêque de Trapani. Ce rituel qui est complété par une procession remonte à l’ancienne communauté sicilienne dont de nombreux membres étaient originaires de Trapani et vivaient à la Goulette, une banlieue de Tunis. On revient donc sur l’histoire de l’église de la Goulette et la procession de Notre-Dame de Trapani qui, depuis 2017, retrouve des couleurs.

L’histoire de l’église de La Goulette commence en janvier 1848 lorsque, par l’entremise de Joseph Raffo, le bey accorde un terrain à Monseigneur Sutter, archevêque de Tunis, pour qu’il puisse y construire un lieu de culte.

Ce terrain qui se trouve à l’intérieur de la ville verra le 19 mai 1848 la pose de la première pierre de l’église. Celle-ci ne sera complètement édifiée qu’en 1879. A l’époque, cinq prêtres s’étaient succédé à la tête de la paroisse qui englobait alors Carthage et le Kram.

Le plus fameux d’entre eux est demeuré le père Vincent qui compléta les travaux, procéda à la construction du clocher et installa les cloches de l’église. Ce capucin quittera La Goulette en 1891 et sera remplacé par l’abbé Leynaud qui restera dix ans à la tête de la paroisse et à qui l’on doit les statues de Saint-Antoine, Saint-Vincent de Paul et Saint-François d’Assise. On lui doit aussi l’autel de la vierge de Trapani.

Tunisi, la processione del 15 agosto, anni sessanta

Tunisi, La Goulette, la processione del 15 agosto, anni cinquanta

Viendra ensuite le fameux abbé Xavier Saliba demeuré dans la mémoire des sportifs comme le fondateur de la Jeanne d’Arc, une équipe de foot qui attira beaucoup de jeunes. Très vite, la Jeanne d’Arc aura un club de gymnastique et une clique de cinquante musiciens.

L’abbé Saliba conduira la paroisse pendant 38 ans, de 1901 à 1939. C’est de son époque que date la fameuse procession de la vierge de Trapani. Cette procession de Notre-Dame de Trapani quittait l’église vers le port pour bénir les bateaux des pêcheurs. Une foule se formait à sa suite et comprenait de nombreux musulmans qui eux-aussi cherchaient la bénédiction de la madone.

A la mort de l’abbé Saliba, c’est l’abbé Bédu qui lui succédera. Ensuite, la vie de cette église sera marquée par la présence des Augustiniens. C’est depuis cette époque que l’église porte le double nom de Saint-Fidèle et Saint-Augustin.

En effet, Fidèle était le prénom de Monseigneur Sutter, fondateur de cette église. On lui ajouta Saint-Augustin comme co-titulaire en 1954, après la célébration du seizième centenaire de la naissance de Saint-Augustin.

A l’époque, Sainte-Rita commencera à être célébrée à La Goulette. Une famille de Tunis, les Merciera, offrirent en 1952 une statue de Sainte-Rita et, depuis, des milliers de fidèles se sont pressés à ses pieds pour lui demander des guérisons miraculeuses.

Tunisi, la processione del 15 agosto, anni sessanta

Tunisi, La Goulette, la processione del 15 agosto, anni sessanta

Née en Ombrie, célébrée à Malte et en Italie, Sainte-Rita est nommée la sainte de l’impossible et pare de ferveur la paroisse goulettoise. Ainsi va la vie de cette paroisse qui fut confirmée dans son rôle, avec à sa tête les ermites de Saint-Augustin dont le dernier rendit l’âme à l’hopital de Sidi Daoud.

Aujourd’hui, cette église est sous la houlette des Lazaristes après avoir été dirigée par des religieux salésiens. Avec le père Narcisse et le père Eric, Lazaristes, quatre soeurs de Mère Térésa continuent à faire vivre cette petite église de La Goulette. 

A La Goulette, la tradition de la procession de la Madone remonte au début du vingtième siècle. Cette coutume est probablement née suite à une initiative de l’abbé Leynaud, curé de l’église de La Goulette. En ce sens, de très nombreux paroissiens de l’église de La Goulette étaient originaires de Trapani, en Italie.

C’est cet abbé qui est en effet réputé avoir installé les nombreuses statues de cette église ainsi que l’autel de la Vierge de Trapani. Prenant sa succession, l’abbé Xavier Saliba confirmera cette tradition et lui donnera un caractère emblématique.

Tunisi, La Goulette, la processione del 15 agosto, anni sessanta

Tunisi, La Goulette, la processione del 15 agosto, anni sessanta

Cet abbé d’origine maltaise veillera aux destinées de cette paroisse pendant trente-huit ans, de 1901 à 1939. Une plaque commémorative salue son dévouement et se trouve à l’intérieur de l’église.

Cette église est par illeurs placée sous le double patronage de Saint-Fidèle (car son fondateur Monseigneur Sutter portait ce prénom) et Saint-Augustin (car des Ermites augustiniens de Malte ont longtemps été curés de l’église).

Revenons maintenant à la fameuse procession de la Vierge de Trapani, la madone, comme l’ont toujours nommée les Goulettois. A ses débuts, cette procession obeissait au rituel suivant: une messe pontificale suivie de vêpres puis de la procession proprement dite. Ensuite avaient lieu des illuminations de l’église, un feu d’artifice et un concert sur la place publique.

Pour la procession, la statue de la Vierge de Trapani est portée sur un brancard par une dizaine d’hommes. La foule, plutôt dense, tentait alors de toucher la statue qui passait les rues de la Petite Sicile pour se diriger vers le port afin d’y bénir les bateaux des pêcheurs, pavoisés pour l’occasion. Cette tradition s’est maintenue fort longtemps et il est de temps en temps question de la rétablir sans que l’idée ne connut de concrétisation.

Tunisi, La Goulette, 15 agosto 2022 (ph. Hatem Bourial)

Tunisi, La Goulette, 15 agosto 2022 (ph. Hatem Bourial)

La procession de la Vierge de Trapani avait lieu le 15 août de chaque année sur fond de célébration de l’Assomption. Elle donnait lieu à des cortèges impressionnants auxquels se joignaient Goulettois juifs et musulmans.

Aujourd’hui, la statue de Notre-Dame de Trapani se trouve toujours en l’Eglise de La Goulette, au-dessus de l’autel qui lui est consacré. Elle compte parmi les exemplaires légendaires de la convivialité tunisienne et, placide et recueillie, attend un jour prochain, d’heureux rendez-vous. 

Et pour terminer ce parcours historique, voici une évocation de la célébration de l’Assomption, le 15 août de l’année écoulée, quand l’église de la Goulette s’est avérée trop petite pour accueillir toutes celles et tous ceux qui se sont rendus à la messe du 15 août présidée par Monseigneur Ilario Antoniazzi, archevêque de Tunis, et suivie de la procession symbolique de Notre-Dame de Trapani, et quelques lignes sur le célébration de cette année.

Cette tradition goulettoise a été pleinement respectée et la statue de la Madone a déambulé pour quelques instants sur le parvis de l’église puis au-delà du portail. À l’extérieur de l’église, sur la placette et les balcons alentour, ils étaient également nombreux. Quant au parvis, avec un écran géant en son centre, il était plein comme un œuf et tout un chacun pouvait suivre par le son et l’image, le déroulement de la messe. 

Dans la salle de prières et aussi sur le parvis de l’église, des centaines de personnes communiaient donc autour d’une tradition goulettoise, le symbole par excellence de la Goulette. Et, pour respecter les coutumes, les plus âgés parmi les présents ont lancé le fameux «Viva la Madona di Trapani» qui a fusé à plusieurs reprises hier, dans le sillage de la Vierge de Trapani. 

Tunisi, La Goulette, 15 agosto 2023 (ph. Hamet Bourial)

Tunisi, La Goulette, 15 agosto 2023 (ph. Hamet Bourial)

Cette année 2023, les présents étaient également nombreux aussi bien à l’intérieur de l’église que sur le parvis. Une foule importante s’est également rassemblée devant le portail monumental de l’église, attendant le début de la procession. 

La messe s’est déroulée en présence des paroissiens et de nombreuses personnalités. Tout de suite après, la statue de Notre-Dame de Trapani a été transportée pour une déambulation qui est allée jusqu’aux portes de la mairie de la Goulette, avant de revenir à l’église. Le cortège a été suivi par un public important, de toutes les confessions.

Selon une coutume bien tunisienne, le 15 août marque la fin de l’été. Ou du moins, cette date est censée nous rappeler que le temps n’est plus aux bains de mer. Cette tradition a des origines précises. Géographiquement, elle est née à la Goulette dans la communauté des pêcheurs siciliens. Culturellement, elle a des origines chrétiennes puisque le 15 août est la fête de l’Assomption durant laquelle est célébré l’enlèvement miraculeux de la Sainte Vierge, au ciel, par des anges.

Ainsi, à la Goulette, les pêcheurs siciliens avaient pour tradition de sortir le 15 août avec une statue de la Vierge pour bénir la mer. Cette procession suivie d’une bénédiction est peu à peu devenue un moment oecuménique pour les trois communautés de la Goulette. Et, du coup, chacun a compris le fait comme il l’entendait.

Ce qui nous en reste aujourd’hui, c’est l’idée diffuse qu’après le 15 août, il faut éviter les bains de mer car l’été est fini. La preuve en étant la statue de la Madone qu’on sortait de l’église jusqu’au rivage, gage que la mer sera généreuse.

Ainsi, une fois l’an, la statue de Notre-Dame de Trapani sortait de la paroisse de la Goulette pour la fameuse procession. Des témoins du début du vingtième siècle racontent que cette procession n’avançait pas en rang mais qu’une petite foule entourait la statue portée par une douzaine de relayeurs. On raconte ainsi que chacun voulait toucher la statue, la caresser d’un mouchoir. Tout le monde prenait la direction du port où, pavoisés, les bateaux de pêcheurs attendent sur le quai.

La Madone viendra alors les bénir et augurer d’une année faste alors que juifs et musulmans se joignaient aux chrétiens jusqu’à ce que la procession atteigne le rivage, après avoir traversé la ville. Cela fait désormais cinq ans successifs que la procession de la Vierge de Trapani a lieu le 15 août de chaque année sur fond de célébration de l’Assomption.

Tunisi, 15 agosto 2023 (ph. Bouriel)

Tunisi, La Goulette, 15 agosto 2023 (ph. Hamet Bourial)

Lundi dernier, l’ambiance était bon enfant entre les youyous et les chants religieux. Acclamée, la madone était au centre de toutes les attentions sous les spotlights et les objectifs des smartphones. 

Surpris et enchanté à la fois, Leonardo était tout ouïe, observant chaque geste. Venu de Trapani, la semaine dernière, il découvrait par hasard le rituel goulettois et filmait frénétiquement avec l’objectif de montrer ses vidéos à ses amis au pays. Leonardo n’en croyait pas ses yeux et dans son cas, c’était un véritable éblouissement. À son image, ils pourraient être nombreux à découvrir cette identité conviviale de la Tunisie.

Cette 15 août 2023, la célébration a été marquée par la présence de Pietro Maria Fragnelli, évêque de Trapani. Cette présence constitue un témoignage fort des liens qui unissent les différentes communautés des deux rives de la Méditerranée. De même, toutes confessions confondues, musulmans, juifs et chrétiens ont donné à cette célébration, une dimension œcuménique. 

En tout cas, cette procession du 15 août nous invite à réfléchir sur ces enjeux de rayonnement et précisément sur ce que des événements comme le pèlerinage de la Ghriba ou la procession de la Goulette disent de nous.

Dialoghi Mediterranei, n. 63, settembre 2023 
[*] Abstract
Breve excursus storico della chiesa di La Goulette a Tunisi e della festa della Madonna a La Goulette, della sua lunga tradizione di origine siciliana e della sua ripresa, dopo la rivoluzione, dal 2017. Anche quest’anno, nel pomeriggio di Ferragosto, la Madonna è uscita in processione, accompagnata eccezionalmente dall’arcivescovo di Trapani.

______________________________________________________________

Hatem Bourial, giornalista, scrittore tunisino e conduttore radiofonico, è un cultore degli studi sulla città di Tunisi, un mediatore culturale e un militante appassionato dei vari aspetti dell’identità tunisina. È autore di diverse pubblicazioni, tra le quali si segnalano: La septième face du dé (1990); La souce noire (1990); Flagrant délit de nostalgie (2002); Le livre de Suleikha (2022) e il monologo teatrale La poupée sicilienne (2023).

______________________________________________________________

 

Print Friendly and PDF
Questa voce è stata pubblicata in Migrazioni, Religioni. Contrassegna il permalink.

Lascia un Commento

L'indirizzo email non verrà pubblicato. I campi obbligatori sono contrassegnati *

È possibile utilizzare questi tag ed attributi XHTML: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>