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Une vie dédiée aux enfants tunisiens: entretien avec Madame Nébiha Kammoun Tlili

1di Elena Nicolai [*] 

Le 15 septembre 2023 le Gouvernement Tunisien a lancé une consultation nationale sur la réforme du système de l’éducation et de l’enseignement.

Il s’agit de recueillir les opinions des citoyens tunisiens pendant 3 mois, dans le cadre de la réforme du système éducatif à ses différentes étapes (préscolaire, éducation de base, enseignement secondaire, formation professionnelle et enseignement supérieur).

Alors, on s’est interrogé sur le rôle que jouent les jardins d’enfants et les crèches dans l’éducation préscolaire tunisienne: en fait, on sait bien que la petite enfance représente un moment fondamental dans le développement et la formation des enfants; le rôle fondamental de l’éducation préscolaire en italien est souligné aussi par la dénomination «scuola dell’infanzia» ou bien la veille expression «scuola materna», qui suggèrent la ligne de continuité entre cette étape et les niveaux de scolarité suivants.

Madame Nébiha Kammoun Tlili, Fondatrice et Directrice du jardin d’enfants Mistigri, établissement bilingue (français/arabe) agrée par le ministère de l’Enfance depuis 1993 et première et actuelle Présidente de la Chambre Régionale des Jardins d’Enfants et des Crèches au sein de l’UTICA (dès 2019), nous a accordé un rendez-vous pour discuter du rôle des jardins d’enfants et des crèches par rapport au système éducatif tunisien. 

Madame Nébiha Kammoun Tlili, Première présidente de la chambre régionale des jardins d’enfants et des crèches au sein de l’UTICA

Madame Nébiha Kammoun Tlili, Première présidente de la chambre régionale des jardins d’enfants et des crèches au sein de l’UTICA

Madame Nébiha a donné toute sa vie à travailler avec les enfants les plus petits et à défendre éducateurs et travailleurs du secteur en sein du syndicat; en plus, elle a été Présidente de l’Union des Educateurs Arabes, rattachée à la ligue des Etats Arabe le 29 juin 2017 et membre chargé de représenter l’UTICA (UNION TUNISIENNE DE L’INDUSTRIE DU COMMERCE ET DE L’AGRICULTURE) aux négociations de la 1ère convention nationale sectorielle des jardins d’enfants avec l’UGTT (UNION GENERALE DES TRAVAILLEURS TUNISIENS).

Par ailleurs, elle a participé à l’élaboration du projet de la constitution tunisienne de 2014 dans son volet relatif à l’éducation et notamment la reformulation de l’article 39 et de la nécessité de mettre l’accent sur l’ouverture des enfants aux langues étrangères.

On s’est rencontré à Mutuelleville, Tunisie, dans les locaux de Mistigri et on a pu poser les questions suivantes: 

Madame Nébiha, Vous êtes engagée depuis longtemps dans le domaine de l’éducation et des syndicats: d’où vient ce choix d’un double effort, cette passion? 

«Mon implication dans le domaine de l’éducation et des syndicats, trouve sa source dans mon amour pour mon travail en tant qu’institutrice et de la nécessité de défendre les intérêts de la petite enfance tunisienne».  

Mistigri, 17 rue de la clinique Mutuelleville, Tunisie

Mistigri, 17 rue de la clinique Mutuelleville, Tunisie

Quels sont, selon vous, les points forts du système éducatif tunisien? 

«Le système éducatif tunisien permet à tous les enfants d’accéder à l’enseignement à travers les écoles publiques, cette politique a été mise en place depuis l’indépendance et les gouvernements successifs veillent à ce que l’école publique généralisent l’accès à l’éducation gratuite et ce nonobstant le statut social des familles». 

Quelle est l’importance de l’école de la petite enfance dans le système éducatif tunisien?

«Le secteur de la petite enfance (préscolaire) en Tunisie n’a toujours pas atteint le niveau que nous espérons comparativement au système scolaire, sachant que 62 % seulement des enfants sont encadrés dans le système préscolaire qui sont répartis comme suit: 

* 43%: jardins d’enfants

*19%: répartis entre kotab (écoles coraniques) et classes préparatoires (rattachées aux écoles primaires)». 

4Selon votre expérience, quels sont les problèmes les plus importants dans le domaine de l’éducation de la petite enfance en Tunisie? 

«Les problèmes que nous pouvons soulevés sont les suivants:

  • conflit relatif à l’encadrement des enfants appartenant à la tranche d’âge 5ans-6 ans, qui normalement devrait intégrer les jardins d’enfants, cependant la politique mise en place par l’Etat depuis 2001 vise à ce que cette tranche d’âge soit prise en charge et intègre les écoles primaires, non pour des raisons éducatives mais pour procéder au remplissage des écoles et lutter contre le chômage des instituteurs du primaire non formés dans l’encadrement de la petite enfance, privant ainsi les jardins d’enfants de 37% de leurs effectifs chose qui sur le court/moyen terme mènera au chômage des éducateurs spécialisés dans la petite enfance.

Il faut par ailleurs préciser que les enfants encadrés représentent 62 % des enfants en âge d’intégrer le système préscolaire qui sont répartis comme suit: 

  • 94 % encadrés par le secteur privé
  • 6% uniquement de l’éducation assurée par l’Etat.

Actuellement l’existence du secteur privé est menacée par:

Les écoles primaires privées en sus de ce que nous venons d’exposés accueillent les enfants dès l’âge de 4 ans.

Les centres de loisirs gérés par le ministère de la Jeunesse et du Sport ont participé à l’aggravation de la situation. Sans omettre de mettre le doigt sur le phénomène des espaces anarchiques qui accueillent les enfants en dehors de tout cadre légal».  

Tunisi, Avenue Bourguiba.  E. Nicolai

Tunisi, Avenue Bourguiba (ph. E. Nicolai)

Quel rôle joue le syndicat dans l’amélioration du système éducatif tunisien, en particulier dans l’éducation de la petite enfance? 

«La Chambre Nationale des Jardins d’Enfants et des Crèches, joue un rôle fondamental à travers les campagnes de sensibilisation et de la nécessité à ce que les enfants ayant atteint l’âge d’intégrer le système préscolaire soit pris en charge par les établissements agrées.

Par ailleurs, le syndicat a pour mission de veiller à ce que le cadre pédagogique bénéficie d’un cadre légal qui protège les intérêts des promoteurs et des travailleurs à travers la mise en place de la convention nationale sectorielle des jardins d’enfants y assurer la formation continue des éducateurs en participation avec les acteurs publics.

Il faut également préciser que le rôle de notre syndicat s’étend à la mise en place et la négociation avec le Ministère de Tutelle des cahiers de charges relatifs à l’ouverture des jardins d’enfants, des crèches et des garderies scolaires.

Notre rôle s’étend également à la participation aux commissions d’études telle que le projet de la stratégie pluridisciplinaire visant à la promotion du secteur de la petite enfance. 

Le Syndicat a pour mission également de: 

- Protéger les enfants contre toute forme de violence et veiller à sensibiliser les promoteurs ainsi que le cadre éducatif dans ce sens. C’est ainsi qu’en 2016 nous avons participé en collaboration avec l’Association Femme Leadership et l’Association Tunisienne des Droits de l’Enfant à un programme de formation et de sensibilisation contre toute forme d’agression physique ou sexuelle sur les femmes et les enfants en vue de diffuser les acquis de cette formation de manière pédagogique auprès des enfants et de leur apprendre à se protéger contre forme d’atteinte à leur intégrité physique.

- Améliorer les prestations des établissements privés à travers une formation sur «la qualité» assurée en collaboration avec l’Union des Educateurs Arabes rattachée à la Ligue Arabe.  

- Protéger les jardins d’enfants agrées contre toute procédure abusive de la part du Ministère de Tutelle». 

D’après votre expérience, quelles sont les principales difficultés rencontrées par les enseignants et les éducateurs ?

«Les difficultés majeures peuvent être résumées comme suit:

-  Difficulté à trouver un emploi sur le marché du travail

-  Manque de reconnaissance vis-à-vis du rôle de l’éducateur de la petite enfance, compte tenu du fait que l’on estime que la phase préscolaire n’est pas aussi importante que l’école, alors que l’étape préscolaire est primordiale surtout que la personnalité de l’enfant est forgée avant l’âge de 6 ans. «tout se joue avant 6 ans» – FITZHUGH DODSON» 

6Comment décririez-vous l’évolution de la lutte syndicale en Tunisie au cours des années de votre engagement? 

«Il faut préciser que le secteur préscolaire a enregistré des progrès durant ces dernières années grâce à la persévérance de la chambre syndicale. Cependant, nous souhaiterions une meilleure implication de l’Etat dans tout ce que nous entreprenons à travers des aides et des financements ainsi que l’allégement des charges fiscales et patronales». 

Quels sont les prochains défis pour l’éducation de la petite enfance et les syndicats, face aux changements constants de la société «globale» et au phénomène croissant de l’immigration ? 

«Les défis sont nombreux et feraient l’objet d’une étude en elle-même ; mais selon notre opinion il faut veiller à: 

- Sensibiliser les parents à l’importance de l’encadrement de la petite enfance via les moyens de communication actuels (réseaux sociaux…)

- Sensibiliser les politiciens de l’importance du secteur de la petite enfance qui doit être pris en considération dans leurs programmes politiques.

- Veiller à ce que l’Etat s’investisse davantage en accordant à la petite enfance les outils et le budget nécessaires afin d’améliorer le secteur.

- Développer chez l’enfant le sentiment d’appartenance à son pays, sa culture, ses origines, son identité ; lui inculquer des valeurs fondamentales telle que la tolérance, l’acceptation de l’autre et stimuler l’esprit d’ouverture vers le monde extérieur et que l’on ne peut pas vivre dans un univers reclus». 

Dialoghi Mediterranei, n. 64, novembre 2023 
[*] Abstract 
Madame Nébiha Kalloum Tlili, prima donna presidente dal 2019 della “Chambre Régionale des Jardins d’Enfants et des Crèches” del sindacato tunisino UTICA (Union Tunisienne de l’industrie du commerce et de l’agriculture), carica che attualmente ancora ricopre, e direttrice della scuola per l’infanzia “Mistigri”, accetta di rispondere ad alcune domande riguardo il sistema educativo tunisino e, in particolare, sulla “scuola dell’infanzia” e sul ruolo del sindacato di categoria. Emergono alcuni dati cruciali per comprendere non solo la visione della prima infanzia in Tunisia ma anche le sfide di chi lavora nel settore. Questo, alla luce della recente consultazione nazionale promossa dal governo tunisino per elaborare una riforma del sistema educativo tunisino.

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Elena Nicolai, dottoressa di Ricerca in Italianistica e in Filologia Classica, si è poi specializzata in migrazioni e politiche sociali a Ca’ Foscari. Ha pluriennale esperienza nell’ambito della Cooperazione Internazionale in vari Paesi, tra cui Pakistan, Togo, India, Tunisia; è stata consulente presso la sede AICS Somalia, Mogadiscio. È docente di Pedagogia Interculturale nel Corso di Specializzazione per le attività di sostegno agli alunni con disabilità presso UNINT e, per il terzo anno consecutivo, membro della commissione ministeriale per l’abilitazione al sostegno presso il medesimo ateneo. Fra i suoi ultimi lavori scientifici ricordiamo: Nicolai E., Clorinda e Le Mille e una Notte: donne, distopie identitarie islamiche e pratiche di inclusione, in Pluralismo confessionale e dinamiche interculturali: le best practices per una società inclusiva, a c. di A. Fuccillo e P. Palumbo, Editoriale Scientifica 2023, Napoli: 879-901; Breviario pakistano: mappe interculturali e prospettive pedagogiche (2022); L’Almagesto arabo: alcune note sulle traduzioni greco-arabe di al-ağğāğ e di Isāq ibn unayn-ābit ibn Qurra, QSA (2018).

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